Mon prince noir et famélique, ma pauvre graine de clodo Toi qui vécus fantomatique en peignant tes vieux godillots Toi qui allais la dalle en pente, toi qu'on jetait dans le ruisseau Qui grelottais dans ta soupente en inventant un art nouveau T'étais zéro au Top cinquante, t'étais pas branché comme il faut Avec ta gueule hallucinante pour attirer les capitaux Mais dans un coffre climatisé au pays du Soleil-Levant Tes tournesols à l'air penché dorment dans leur prison d'argent Leurs têtes à jamais figées ne verront plus les soirs d'errance Le soleil fauve se coucher sur la campagne de Provence Tu allais ainsi dans la vie comme un chien dans un jeu de quilles La bourgeoisie de pacotille te faisait le coup du mépris Et tu plongeais dans les ténèbres, et tu noyais dans les bistrots L'absinthe à tes pensées funèbres, comme la lame d'un couteau Tu valais rien au hit-parade, ni à la une des journaux Toi qui vécus dans la panade sans vendre un seul de tes tableaux Mais dans un coffre climatisé au pays du Soleil-Levant Tes tournesols à l'air penché dorment dans leur prison d'argent Leurs têtes à jamais figées ne verront plus les soirs d'errance Le soleil fauve se coucher sur la campagne de Provence Dans ta palette frémissante de soufre pâle et d'infini Ta peinture comme un défi lance une plainte flamboyante Dans ce monde aux valeurs croulantes Vincent, ma fleur, mon bel oiseau Te voilà donc Eldorado de la bourgeoisie triomphante Te voilà star du Top cinquante, te voilà branché comme il faut C'est dans ta gueule hallucinante qu'ils ont placé leurs capitaux Mais dans un coffre climatisé au pays du Soleil-Levant Tes tournesols à l'air penché dorment dans leur prison d'argent Leurs têtes à jamais figées ne verront plus les soirs d'errance Le soleil fauve se coucher sur la campagne de Provence