Jacques Brel était un tourbillon Un ouragan de mots, d'images, de musiques, de révoltes et d'humour Parfois cet ouragan s'apaisait Et l'on avait droit alors À des instants de tendresse ou de douce poésie Voici à présent une chanson Une berceuse qu'il a écrite pour Isabelle, sa troisième fille Mais avant je vous propose un court poème très beau Qui s'intitule Je prendrai Je prendrai dans les yeux d'un ami Ce qu'il y a de plus chaud, de plus beau et de plus tendre aussi Qu'on ne voit que deux ou trois fois durant toute une vie Et qui fait que cet ami est notre ami Je prendrais un nuage de ma jeunesse Qui passait rond et blanc par-dessus ma tête et souvent Et qui au jour de faiblesse ressemblait à ma mère Et au jour de colère à un lion Un beau nuage douillet et rond et confortable Je prendrai ce ruisseau clair et frêle d'avril Qui disparaît au premier froid Qui disparaît tout l'hiver Et coule alors, paraît-il, sur la table des noces de cana Je prendrai ma lampe la meilleure, pas celle qui éclaire Non celle qui illumine et rend jolie et appelle de loin Je prendrai un lit, un grand, le mien Et qui sait ce que c'est qu'un homme et son chagrin Un grand lit d'être humain Je prendrai tout cela et puis je bâtirai Je bâtirai et j'appellerai les gens qui passeront dans la rue Et je leur montrerai ma crèche de Noël