Coiffé d'un large sombrero
Vêtu d'une veste à carreaux
Et chaussé des bottes légères
Hier, dans une boîte de nuit
On vit arriver seul sans bruit
Un homme d'allure étrangère
Ses yeux avaient des reflets verts
C'était le reflet des pelouses
Sa voix avait un timbre clair
Il avait un accent de Toulouse
Un peu tard quand il sortit
En donnant son ticket d'vestiaire
La dame du vestiaire lui dit
Cette phrase très singulière
Monsieur, Monsieur
Vous oubliez votre cheval
Ne laissez pas ici cet animal
Il y serait vraiment trop mal
Monsieur, Monsieur
Pour un pur-sang dans un vestiaire
C'est triste de passer la nuit entière
Sans même coucher sur une litière
Comme il s'ennuyait
Et comme il bâillait
Je chantais pour qu'il soit sage
Comme il avait faim
Que j'avais plus d'pain
J'y ai donné un peu d'potage
Monsieur, Monsieur
Chose pareille est anormale
Ne laissez pas ici cet animal
Vous oubliez votre cheval
Cinquante ans plus tard, le jockey
À ses p'tits-enfants expliquait
Oh, des aventures invraisemblables
Il avait un sourire amer
Et comme il se croyait loup d'mer
Il jurait et crachait à table
Tout en mâchonnant un mégot
Il y allait de son bavardage
Il ne parlait que de cargos
De tempêtes et d'abordages
Mais les p'tits-enfants, pas dupés
Montrant un tableau qui s'effrite
S'écriaient Grand-père, ce beau pré
C'est-y la mer ou Maisons-Laffitte?
Grand-père, Grand-père
Vous oubliez votre cheval
Vous nous menez en bateau, c'est normal
Mais vous n'êtes pas amiral
Grand-père, Grand-père
Jamais vous ne fûtes corsaire
Et vous n'avez connu le mal de mer
Que lorsque vous montiez Prosper
Dites-nous plutôt
Comment, à Puteaux
Vous avez connu Grand-mère
Comment à Paris
Le jour du Grand Prix
Vous êtes foutu la gueule par terre
Grand-père, Grand-père
Vous n'êtes pas un vieux loup d'mer
Vous n'êtes pas non plus un amiral
Vous oubliez votre cheval
Vous oubliez votre cheval
Grand-père